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Doré Gustave
Sainte-Odile, sans éditeur, sans date.
Lettre de 2 feuillets écrite à deux mains avec 3 dessins originaux de Gustave Doré. Format de la lettre : 26,8 x 21 cm
Truculente lettre de Gustave Doré (1832-1883) adressée à son frère Ernest (1830-1884) alors qu’il se trouve au couvent du mont Sainte-Odile avec son ami d’enfance Arthur Kratz.
Plusieurs sources proches de l’artiste telles que Arthur Kratz, Auguste Bartholdi, Émile Erckmann ou Edmond About ont confirmé que Gustave Doré adorait se rendre au mont Sainte-Odile et qu’il y fit plusieurs séjours.
Le témoignage d’Arthur Kratz confirme l’intérêt que celui-ci portait pour le lieu de pèlerinage : « il ne croyait pas qu’il existât au monde d’endroit plus beau que Sainte-Odile ! Chaque fois qu’il y venait, il lavait ses yeux avec l’eau sainte, preuve qu’il croyait en sa vertu. »
Blanche Roosevelt, La vie et les œuvres de Gustave Doré d’après les souvenirs de sa famille, de ses amis et de l’auteur, Paris, Librairie illustrée, 1887. p. 54.
Gustave Doré a notamment réalisé une huile sur toile intitulée « Le Mont Sainte-Odile avec le mur païen ». L’œuvre aujourd’hui conservée au musée d’Art moderne et contemporain de Strasbourg a été donnée par la famille Kratz en 1910.
Rare et inédite lettre de Gustave Doré jamais publiée.
Retranscription de la lettre:
Couvent de Ste-Odile.
Cloitre du louchant.
« Le vent qui souffle à travers la bruyère m’a
transporté dans les régions du bleu harmonieux. »
(Evangile selon Hengel-III,4.)
Voici venir le jour, mon cher Ernest, ou dépouillant
toute enveloppe mortelle, on devient un personnage
azuré, corps diaphane, harpes éoliennes entre les
jambes, voile de gaz éthéré.
Nous voici réunis, St-Pierre vient d’arriver, il
a traversé le désert et il vient entendre le
sermon qui souffle de la montagne.
St-Gustave t’a notté, d’autre part une fugue
céleste que nous avons entendu hier.
Ne la donne pas à Hengel, il s’enrichirait
inutilement : il gagnerait des millions
aux dépens du Dreystein et du Hagelschloss
Kratz te dit qu’il a une harpe
éolienne entre les jambes ; il ne
te dit que la pure vérité
Hier matin la supérieure du couvent
?? de son chapitre a été obligée
de venir lui faire des remontrances
attendu que le couvent a été
toute la nuit assourdi et infecté
par la dite harpe. Quant à moi
qui couchais avec lui j’ai demandé
à changer de chambre sans quoi
j’étais asphyxié cette nuit.
La harpe éolienne de Kratz
ne donne qu’une note à la fois
mais je te réponds qu’elle est
sentie.
Avec tout cela il espère, dans
sa naïveté ; nous abuser ; avant-hier
à minuit, après avoir lancé une
deus trombes à la choucroute
il m’appelle pour me dire
Dis-donc, Gustave ; il fait cette nuit
un vent à décorner les bœufs ; c’est
[dessin]
toujours comme cela dans ces montagnes
quand arrive la saison des intempéries.
La planche précédente te représente
l’aspect de son lit, gonflé par ces
trombes répétées………..
[dessin] Gustave est complètement
transformé, l’existence
monacale trouble son
cerveau : cette nuit
je lui ai chantonné un
cantique que j’ai recueilli dans la forêt !
Des torrents d’harmonie agitaient les
cimes des bruyères, je n’ai eu qu’à écouter
et à me souvenir ! la nature dicte,
moi j’écris. – Quand je reviendrai à Paris
si jamais j’y reviens ! je te la jouerai et
tu entendras et tu admireras !
Un mot de plus et je compose un opéra
Je l’intitulerai : Le Zéphir du mur Payen
ou les bruits mystérieux ! Dierner le jouera !
Desprez le chantera, Hengel l’applaudira et
Dufour l’éditera !
Tu ne saurais te figurer comme je suis en veine
de composition !
J’ai la gamme rocailleuse, l’octave sabloneuse (sic)
les notes mousseuses – trois soupirs à la clé et
je pars – (attends encore une minute)
_ Les trois soupirs viennent de sortir… quelle peste !
Je t’envoie pour finir mon cher Ernest, le bassin
de toutes les jeunes religieuses, qui ont bien voulu
me laisser prendre quelques notes ; sachant le travail
sérieux auquel je me livre sur l’anatomie des femmes.
[dessin]
Adieu mon cher Ernest, bien des
choses à ta femme… et ne
nous oublie auprès de Dierner
d’Hengel et de Dufour.
G. Doré.
Surprenante lettre illustrée, pleine d'humour, du grand artiste Gustave Doré réalisée au Mont Sainte-Odile.
Franck Knoery, « Les sources strasbourgeoises de Gustave Doré », Nouvelles de l’estampe [En ligne], 270 | 2023. URL : http://journals.openedition.org/estampe/4556 ; DOI : https://doi.org/10.4000/estampe.4556